Des maux pour chaque jour

Les jours passent. Il ne suffit pas de regarder le défilé de lumières proposé par le ciel ou de suivre des yeux le sens giratoire des aiguilles de votre montre, pour vous en apercevoir.

Le calendrier vous permet de différencier chaque jour, par le numéro et les noms des jours de la semaine, des mois et la numérotation des années.
Est-ce suffisant pour distinguer un jour de sa veille, pour s’assurer que demain sera différent d’aujourd’hui ? Lorsqu’on vous évoque un souvenir, vous défiez votre mémoire afin de vous rappeler de celui-ci. Vous réussissez parfois à mettre une date, un jour, une année sur un événement. Parfois pas.
Croyez-vous que c’est une date qui vous permet de vous remémorer un instant, ou n’est-ce pas plutôt cet événement marquant qui s’assimile à une date grâce à son impact psychologique ou émotionnel ? Pensez-vous que l’achèvement d’un jour, d’une semaine, d’un mois ou d’une année vous aide à archiver les étapes de votre vie, au fur et à mesure de son acheminement ?
“Demain est un autre jour…”, s’agit-il seulement de changer de case sur le calendrier pour tout recommencer ? Que représentent les jours pour vous ? Ne ressentez-vous pas un impact psychologique selon les heures, jours, mois et années sur votre esprit ?

Prenons l’hypothèse que demain, vous vous réveillez et votre smartphone n’affiche plus d’heure, plus de date. Imaginez que votre montre a perdu ses aiguilles, qu’elle s’est vue confisquée de son cadran. Elle n’est à présent plus que bracelet.

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Le crépuscule du jour se dissimule entre vos volets battants et éclaire partiellement vos draps blanc, d’un rayon transversal, afin de refléter la douceur matinale de la lumière. Votre réveil n’a pas sonné, il ne sonnera pas. À vrai dire, à l’image de l’heure, des dates, il n’existe plus. Réveillé par la lumière du jour, associée au terme de votre cycle du sommeil, vous ne vous sentez plus agressé par une alarme au son irritant. Vous avez simplement cessé votre sommeil quand votre corps n’en avait plus réellement besoin. Vous vous apprêtez, comme il se doit, comme d’habitude. Ce matin, vous n’avez pas le stress dès le réveil, celui qui vous rappelle que vous allez être ou êtes déjà en retard. Vous aviez jusqu’à aujourd’hui, une fâcheuse tendance à vous dire que vous êtes en retard, avant même de l’être. Vous vous octroyiez le stress d’un éventuel retard, avant même que ce soit le cas. Bien que parfois, vous arriviez tout juste à l’heure en subissant tout de même autant que si ce n’était pas le cas. Se mettre la pression pour une, cinq ou dix minutes de retard, cela n’existe plus aujourd’hui car que vous le voulez ou non, vous n’en avez plus conscience. L’heure n’existe plus. Vos habitudes n’ont pas changé, pourquoi l’heure d’arrivée au travail changerait-elle ? Vous acquiescez. Vous n’avez d’autres possibilités. Alors vous répétez vos habitudes quotidiennes afin de vous rendre au travail. Bizarrement, en l’absence du stress, vous ne partez plus sans vos clés de voiture ce qui vous obligeait à faire demi-tour, vous n’oubliez plus votre téléphone sur la table ou d’éteindre la lumière, ce qui vous faisait habituellement perdre davantage de temps que votre empressement ne vous en aurait fait gagner.
Vous vous demandez à présent comment vous allez gérer vos horaires de travail, sans avoir un oeil sur l’horloge. Après réflexion, hésitation, vous vous dites qu’en soit, ce qu’on attend de vous, c’est que vous fassiez votre travail. Inutile donc de répondre à une contrainte de temps de présence. Faire ses tâches de la journée, n’est-ce pas ce qui prime ? Le regard insultant de vos collègues de travail, voire de votre employeur quant à l’heure d’arrivée ou de départ en perdrait tout son sens. Il était jusqu’à ce jour mieux vu de faire ses heures, voire davantage, sans manifester quelconque rendement, plutôt que de partir à l’heure, voire un peu plus tôt en accomplissant son travail.
Les choses ont changé. L’heure de la pause déjeuner ne dépend plus de l’horloge, mais de l’appel naturellement programmé par votre estomac. La journée se découle ainsi. Vos tâches quotidiennes vous prennent autant de temps que d’habitude, voire moins. Vous n’avez plus à adapter votre travail au nombre d’heures qu’il vous reste à accomplir dans la journée.

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La journée accomplie, le ciel se noircit. Celle-ci est passée plus vite, du moins vous en avez le sentiment. Comme chaque soir, vous vous allongez sur le lit. La soirée achevée, la fatigue se manifeste. Maintenant vous ne pouvez plus vous endormir en scrutant l’heure de votre smartphone, l’heure de programmation du réveil et ne faites plus le décompte d’heures qu’il vous reste à dormir. L’heure n’occupe plus autant votre esprit. Vous ne courrez plus après l’horloge. Le temps n’est qu’à présent la somme d’activités et d’instants vécus. Vous fermez les yeux et faites le point. L’obscurité sillonne dès à présent la pièce. Avant de tomber dans les bras de Morphée, une idée vous vient à l’esprit. Vous saisissez le câble électrique de votre lampe de chevet, actionnez l’interrupteur permettant de faire briller l’ampoule que détient la lampe.
La lumière n’éclaire que partiellement la pièce, mais suffisamment pour répondre à vos attentes. Sur votre table de chevet, tout près du lit, se trouve un carnet. D’un mouvement de rotation latérale, vous vous penchez pour vous emparer de celui-ci. Vous l’ouvrez et atterrissez sur la première page. Blanche, la première page est blanche, tout comme les dizaines de pages qui suivent. Une couleur blanche qui dénonce la profondeur du vide qui habite chacune des feuilles. Ce calepin est entièrement vierge. Vous attrapez le stylo, encore jamais utilisé, posé tout près du carnet, comme s’ils étaient associés. Il s’agit d’un stylo plume, son encre de couleur bleu roi n’attend qu’à combler le manque. Vous ne savez de quelle manière perturber le vide qui hante ces bouts de papier. Vous vous relatez donc votre journée, dans votre tête, d’un ordre chronologique et dans son intégralité. En récapitulant, trop peu vous intéresse. Cela en salirait même le papier d’une pureté intense.
Un seul mot. Vous optez pour un seul et unique mot. Celui-ci résumerait votre journée en un sentiment en une émotion. Vous réitèrerez l’action chaque soir avant de dormir, sur une page différente, dans un seul et même but, voir une évolution quotidienne de vos journées. L’intérêt serait de ne plus comptabiliser les jours dans leur acheminement chronologique comme vous le faisiez inconsciemment jusqu’alors, mais d’entamer chaque jour dans l’intérêt que le prochain débouche en un mot à connotation positive. Que le mot de fin, de chaque journée vous satisfasse. Vous ne trouverez donc plus aucun intérêt à courir après la montre, mais vous vous démènerez chaque jour pour qu’il soit meilleur que la veille. Qu’importe de savoir et voir écrit que demain sera mardi, jeudi ou dimanche, ce qui importe réellement est de lire qu’aujourd’hui est aussi bien, voire mieux qu’hier.

À votre tour, essayez de plonger votre personne dans le contexte…
Maintenant, estimez-vous que votre carnet soit agréable à lire, page après page ?

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8 Replies to “Des maux pour chaque jour”

  1. Ca fait rêver ! Magnifique texte et belle réflexion… Ca fait toujours du bien de se ramener à l’essentiel. 🙂

    1. Un grand merci pour ce commentaire ! En effet, il est important de garder en conscience certaines choses essentielles.
      Bon week-end et à bientôt 🙂

  2. j’adore cet article, en ce moment je suis malade, je pense reprendre mes acitivités sous peu; mes je t’envoie mes compliments pour cet article.

    1. Merci beaucoup pour ce commentaire, je suis très heureux que cet article vous ait plu !
      Je vous souhaite le meilleur des rétablissements.
      Bon courage à vous et à bientôt 🙂

  3. Hello Nicolas ! Je viens de lire ta nouvelle fort intéressante. Étant une personne lève tôt qui aime les règles et l’ordre ; je ne peux m’en plaindre par contre je déteste courir après le temps…
    En ce qui me concerne, chaque jour qui passe se ressemble un peu avec son lot de bonnes ou mauvaises surprises…
    J’ai un petit carnet avec moi que je transporte partout dans mon sac à main…
    J’y inscris un peu de tout mais surtout des mots pour mes futures histoires qui me viendraient en tête…
    Maintenant écrire un seul mot sur une page à la fois… pourquoi pas… Mais alors cela deviendrait un peu comme un journal de bord ou encore intime…
    À vrai dire, je préfère jeter des mots pour écrire puisque c’est ma passion…
    Ton titre “Des maux” donne l’impression que chaque jour est triste… Ce qui peut être le cas, je te l’accorde…
    Moi je préfère jouer sur les mots… n’en garder que le meilleur mais tout dépend de son humeur et de sa journée…
    Merci encore pour ce partage qui ne peut laisser indifférent car le temps fait parti de notre vie…
    D’ailleurs à ce sujet, j’aimerais parfois faire un retour dans le passé un peu comme le fameux film “Retour vers le futur” . Bon week end à toi. 😚☺

    1. Bonjour Cécile !
      Merci pour ta lecture. Malheureusement, nos habitudes de vie poussent nos jours à se ressembler. À nous d’en prendre conscience et faire le nécessaire pour en retirer le meilleur chaque jour. D’où l’intérêt d’un mot par jour, non pas pour que le carnet en devienne journal intime, mais un rappel que demain doit être meilleur qu’hier.
      Comme tu le dis, le temps fait partie de notre vie, j’irai peut-être même plus loin en disant qu’il représente tout. Un retour dans le passé est une idée intéressante, mais attention à ne pas sombrer dans la nostalgie… 🙂
      Merci pour ton commentaire, bon week-end à toi aussi 😉

  4. Dommage que tu ne te sois pas présenté aux élections: j’aurais voté pour toi. Abolir le temps, le vieux rêve est toujours présent…
    Mais il est possible, en fait. Puisque le temps n’est qu’une invention des hommes.
    Belle réflexion sur le temps.
    ¸¸.•*¨*• ☆

    1. Merci Celestine pour ce commentaire, très touchant. Nous sommes bien d’accord, à nous de changer nos perceptions des choses…
      Bonne fin de week-end et à bientôt ! 🙂

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